Le travail du verre, artisanat seculaire, maîtrisé initialement par des artisans-artistes, n'a cessé d'évoluer au cours du XX° siècle. Le début du siècle est marqué par une collaboration permanente entre artisanat et industrie grâce en particulier aux maîtres verriers français. Au tournant des années soixante, concomittament en Tchécoslovaquie et aux Etats-Unis, ce medium devient le support de prédilection de quelques plasticiens, véritables artistes sculpteurs. Aujourd'hui partout dans le monde des artistes travaillent ce matériau qui ne ressemble à aucun autre. Ces magiciens qui transforment le silice en oeuvre d'art, prolongent le "Studio Glass Movement", né il y a quarante ans par la volonté d'Harvey Littleton, d'Erwin Eisch, de Marvin Lipofsky,... .
Aussi bien techniquement que conceptuellement l'élaboration de sculptures par fusion, modelage ou soufflage du verre, est devenue une source de création d'une incroyable richesse. Déja Dali, Picasso, César, Ernst, Dmitrienko, ou plus récemment Rauschenberg... se sont essayés au verre avec bonheur. Antérieurement Claudel écrivait "J'ai toujours tellement aimé le verre, qui est une espèce d'eau solidifiée, tangible, intangible entre nos doigts, une fragilité durable, une contenance spirituelle!"
Plasticiens et alchimistes, ces artistes matérialisent des oeuvres de tailles, de structures et de couleurs variées. Insuffisamment connue en France la "sculpture" de verre n'a pas totalement acquis ses lettres de noblesse. Pourtant le verre apparait aujourd'hui dans nombres de musées et de fondations étrangères. Américains, européens et asiatiques font évoluer aujourd'hui le "Studio Glass". Les artistes regroupés sous cette terminologie et les galeries qui les défendent se réunissent deux fois par an, en juin à New York et octobre à Chicago lors du SOFA.
En France, le CIRVA (Centre International Recherche Verre Arts Plastiques) accueille les plasticiens désirant introduire le matériau verre dans leur démarche créatrice et le musée de Sars Poterie est le seul à défendre cet art. Moins de dix galeries exposent actuellement ces artistes sur notre territoire, fautes de trouver un public suffisant, souvent par manque de formation ou d'information.
L'école tchècoslovaque a sans conteste apporté une contribution majeure au developpement du "Studio Glass" depuis 40 ans avec des artistes tels F. Vizner, V. Cigler, R. Roubichek et le regretté S. Libensky. Leurs réalisations sont exposées dans les plus importants musées d'Asie et des Etats Unis. L'école Tchèque demeure l'une des plus actives et des plus renommées dans le monde du Studio Glass, et les élèves de Libensky poursuivent et font évoluer les recherches de leur maître pérénisant ainsi son oeuvre.
Aux Etats Unis les plasticiens du verre sont nombreux et les galeries exclusives sont légions. Sur le marché international du Studio Glass, les Etats Unis et le Japon dominent par leur dynamisme et grâce au soutien permanent de leurs institutions. Un nouveau musée, a ouvert ses portes en juillet 2002, à Tacoma dans l'état de Washington, proposant une rétrospective des oeuvres de Libensky. A Nakama une fondation est totalement dédiée au Studio Glass. En Europe on distingue un très grand nombre d'artistes de renom et bien entendu quelques pointures du verre international travaillent en France, tels A. et M. Begou, B. Dejongh, A. Leperlier, M. Négréanu, Y. Zorichak, C. Zuber...
Les américains ont, une nouvelle fois l'occasion et la volonté de constituer de grandes collections achetant les meilleures oeuvres. Il est surprenant de constater, comme par le passé avec les peintres européens, que bien des oeuvres négociées sont d'origine européenne, laissant nos institutions atones.
Le marché de l'art est depuis longtemps mondial mais à l'aube d'une révolution dans la conception, la technique et la réalisation d'oeuvres nouvelles, n'est-il pas temps qu'un musée ou une fondation d'art contemporain investissent massivement dans un art encore "jeune" ? L'effort nécessaire à la constitution d'une collection exceptionnelle est aujourd'hui encore inférieur à 900 000 euros, somme dérisoire au regard des transactions en ce domaine.
Les perspectives esthétiques, de ce support tridimentionnel, sont sans limite. La lumière se réflechit ou s'absorbe dans les profondeurs du verre, percute notre rétine à grande vitesse introduisant une nouvelle dimension. Cette quatrième dimension atteinte grâce à la célérité de la lumière permet aux magiciens du verre de matérialiser leurs rêves, satisfaisant ainsi leur inconscient. Aucune autre matière ne peut reproduire les effets optiques complexes du verre repoussant par la même les limites de la création.
Il est temps pour les conservateurs, les collectionneurs et les comités de sélection des manifestations d'art contemporain de ne plus courir le lièvre de la mode mais de découvrir ce qui appartient à l'Art contemporain aux côtés de la peinture, la sculpture, la photo, la vidéo ... le Studio Glass.
L. SCHMOLL
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